La ville de Paris, confrontée à une saturation de son espace public, envisage des mesures drastiques pour limiter la circulation des bus de tourisme. Ces géants du diesel, omniprésents sur les sites emblématiques, sont devenus la source de nuisances majeures pour les riverains et un véritable casse-tête logistique pour la municipalité.
À Paris, le spectacle est quotidien et immuable. Des centaines de bus déversent chaque jour leur flot de touristes au pied des monuments les plus célèbres, de Montmartre à la Tour Eiffel. Ces véhicules, fonctionnant à 95 % au diesel, engorgent les rues étroites, génèrent une pollution atmosphérique et sonore considérable, et exaspèrent les habitants. Pour beaucoup, le bus de tourisme est devenu le symbole d’une ville qui suffoque sous la pression touristique. Frédéric Hocquard, adjoint à la mairie, a annoncé son intention de s’attaquer frontalement au problème, n’excluant pas une interdiction pure et simple de ces véhicules dans la capitale.
L’exaspération des riverains face à une « invasion »
Au pied de la butte Montmartre, la situation est particulièrement critique. Les bus stationnent en double file, bloquant la circulation et créant un chaos permanent. Une résidente, qui a lancé une pétition, décrit une « invasion » qui nuit gravement à la qualité de vie. « Il y a la pollution atmosphérique, bien sûr, mais c’est surtout la pollution visuelle et les difficultés pour cohabiter et se déplacer qui sont insupportables », confie-t-elle à l’AFP. Avec 36,3 millions de visiteurs recensés dans le Grand Paris en 2024, les points névralgiques de la capitale sont pris d’assaut de manière agressive et bruyante.
Le secteur du tourisme sur la défensive
Face à la grogne, les professionnels du transport de voyageurs se défendent. Pour eux, le bus reste un moyen de transport indispensable pour les groupes. « Se déplacer en métro avec quarante personnes n’est tout simplement pas gérable, je risquerais de perdre des gens », explique Mert Oz, un guide touristique turc. Un avis partagé par certains visiteurs, comme Aiden Zhang, une touriste chinoise, qui avoue : « Seule, je ne saurais absolument pas comment me repérer dans cette ville. »
Ingrid Mareschal, de la Fédération Nationale des Transports de Voyageurs (FNTV), met en garde contre toute stigmatisation. Elle rappelle que ce mode de transport est très répandu à l’étranger et représente une manne financière cruciale pour l’ensemble de l’écosystème touristique. Le supprimer reviendrait, selon elle, à se priver d’une source de revenus très importante.
Le surtourisme, un fléau national
Le cas parisien est loin d’être isolé. Dans le sud de la France, le village médiéval de Saint-Guilhem-le-Désert, classé parmi les plus beaux de France, fait face au même problème d’hyperfréquentation. Avec seulement 250 habitants à l’année, la commune accueille entre 600 000 et 800 000 visiteurs par an. Ses ruelles pittoresques et son abbaye millénaire, étape du chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, sont littéralement prises d’assaut.
Pour les habitants, le quotidien est devenu un enfer. « Cela me dérange dans ma vie de tous les jours. On ne sort plus quand on veut, on ne va plus faire ses courses quand on veut », témoigne Gérard Vareilhes, un retraité vivant au cœur du village. Le soir, le bruit est tel qu’il est contraint de fermer ses fenêtres et d’allumer la climatisation pour trouver un peu de quiétude.
Des mesures pour réguler les flux
Conscient que cette situation nuit à l’expérience des visiteurs et au bien-être de ses administrés, le maire, Robert Siegel, a pris des mesures. Depuis plus de quinze ans, l’accès au centre du village est interdit aux voitures. Un parking de 450 places a été aménagé à l’extérieur, et des navettes gratuites acheminent les touristes.
Cependant, face à l’afflux incessant, ces dispositions ne suffisent plus. La municipalité a donc décidé de ne plus promouvoir activement certains sites déjà surfréquentés. L’objectif est désormais de mieux répartir les flux de visiteurs tout au long de l’année pour préserver le patrimoine naturel et la sérénité de ce lieu d’exception. Une stratégie qui pourrait inspirer d’autres localités confrontées aux dérives du tourisme de masse.